Pour les quelques lecteurs français de mon blog, bien plus touchés par la question traditionaliste que les italiens, j'ai traduit un article du Professeur Andrea Grillo qui permet de bien situer le problème du rite préconciliaire. Le texte de la Lettre du Pape "Desiderio Desideravi" (DD) se trouve en français sur le site du Vatican et bien sur, dans les librairies catholiques. L'article originel de A.Grillo qui enseigne à la Faculté Sant'Anselmo de Rome se trouve à ce lien: Il papa bambino e il primo compleanno di Traditionis custodes
Le pape enfant et le premier anniversaire de Traditionis custodes
par Andrea Grillo
Publié le 15 juillet 2022 dans le blog : Come se non
Demain sera le premier anniversaire de « Traditionis custodes» (=TC). Cet événement mérite une réflexion un peu plus large, également à la lumière du récent document Desiderio Desideravi.
Après le sophisme de "Summorum Pontificum" (=SP), qui avait créé presque "ex nihilo" la coexistence parallèle de deux formes rituelles du même rite romain, dont l'une était la correction de l'autre, s’était créé dans l’Église une condition analogue à celle de la fable "Les vêtements de l'Empereur". Ne pouvaient voir les nouveaux vêtements rituels, doubles et interchangeables, que ceux qui étaient fidèles, loyaux, fiables. Les "stupides", les peu fiables ne voyaient aucune double forme possible et étaient très perplexes. Ainsi une série de sujets, bien au-delà de ceux qui s'intéressaient à la question liturgique, mais pour ne pas perdre la valeur symbolique ajoutée et ne pas sortir de la dynamique du pouvoir, étaient devenus, jusqu'en 2021, de "fidèles estimateurs" de la "double forme". Deux cas surtout : d'une part, c’était devenu un « critère de promotion à l'épiscopat »; si on se déclarait prêt à "ne pas faire obstacle" à la forme extraordinaire et même à se laisser prendre dans l'acte de la célébrer, on montait beaucoup en considération. D’autre part, c'était devenu un "critère de formation au séminaire", dont je reparlerai plus tard. Mais dans tout ce tapage, qui durait depuis 2007, il n'était pas du tout envisagé que, comme dans la fable, un "pape enfant" puisse sortir de la foule et dire, fût-ce avec 14 ans de retard, "le parallélisme rituel est nu et vide »! En d'autres termes, le parallélisme rituel est une idée théologiquement sans fondement, ecclésiologiquement dangereuse et liturgiquement destructrice. Aujourd'hui, grâce à Traditionis Custodes, nous pouvons profiter de la parrêsia assurée par cet enfant pape.
Bien plus, un an après "Traditionis custodes", nous avons depuis peu aussi un document qui en est l'enfant (Desiderio Desideravi = DD) et qui précise son sens et permet d'identifier sa signification dans une dimension bien plus large qu'une simple "question liturgique ". Pour cela, le sens du texte d'il y a un an peut être interprété à trois niveaux différents, sur lesquels je voudrais brièvement m'arrêter:
a) Sur le plan théologique : TC restitue la "logique élémentaire" et "unique, saine" de la validité universelle d'un seul rite romain, sans aucune possibilité - sinon exceptionnelle ou personnelle - de validité parallèle d'une forme "antérieure" du rite romain. La logique de ce parallélisme universel, que SP prétendait rendre accessible à toute l'Église, n'a aucun fondement théologique, doctrinal ou disciplinaire. C'est un gâchis et une mystification étonnamment permis par un "pape théologien". Le "pape pasteur" apparaît ici bien plus théologien que son prédécesseur. Parce que TC protège non seulement la liturgie, mais aussi l'ecclésiologie, les formes de ministère et de spiritualité, où il ne peut jamais être considéré comme un principe que "ce qui était sacré pour les générations précédentes doit le rester pour les générations suivantes". Ce n'est pas un principe théologique, mais un problème de compréhension déformée de la Tradition, qui n'est pas d'abord un monument à garder, mais un jardin à cultiver. TC n'est pas principalement un document sur la liturgie, mais sur le sens et le concept de "Tradition", qui est une chose trop sérieuse pour être laissée entre les mains inexpérimentées des traditionalistes.
b) Sur le plan ecclésiologique : TC rétablit l'unité de l'Église au niveau de son langage le plus originel, celui symbolique et rituel. Il était évident, depuis 2007, que penser à une Église qui puisse avoir, en parallèle, même dans la même paroisse, deux calendriers différents, deux espaces différents, deux temps et ministres et textes et gestes de célébration différents était une folie. Le fait peut-être le plus grave, auquel TC a réagi de manière décisive, a été le scandale public d'une formation parallèle de séminaristes, dans de nombreux séminaires américains et aussi au Collège nord-américain de Rome. Seuls les supérieurs qui veulent des futurs prêtres sans identité claire peuvent imaginer leur donner une formation liturgique selon la forme réformée et, en même temps, selon la forme que le Concile Vatican II a explicitement voulu réformer. L'unité de l'Église se construit avec un enseignement et une pratique rituelle unitaire, non contradictoire et non déchirante spirituellement.
c) Sur le plan liturgique : La valeur de TC, sur le plan liturgique, est aujourd'hui plus claire grâce au tout récent DD. La récupération de la grande valeur du Mouvement liturgique (et non des Nouveaux Mouvements Liturgiques réactionnaires) et de la Réforme liturgique (et non de Réformes de la Réforme mesquines) exige un passage courageux et vrai de l'acte de « réforme » à l'acte de « formation ». La reprise de certains textes de R. Guardini, central dans DD, précise qu'il ne s'agit pas seulement de la pensée du Concile ou des réformateurs, mais de tout le XXe siècle. Il s'agit de libérer les véritables énergies du langage rituel (verbal et non verbal) comme culmen et fons de toute l'action de l'Église. Cela se passe aujourd'hui non plus essentiellement en latin et dans un rite des prêtres seuls et non de l'assemblée, mais dans de nombreuses langues, dans de nombreuses et différentes assemblées, dont les cultures sont entrées, depuis 60 ans, dans le patrimoine commun de la grande tradition ecclésiale. Une Église qui veut "préserver la tradition" ne doit pas avoir peur des différentes cultures avec lesquelles nous pouvons aujourd'hui faire expérience de la foi et exprimer notre credo. Cette « table commune », qui n'est possible qu'avec la fin de SP, permettra d'évaluer les limites de ce qui a été fait jusqu'à présent et d'assumer courageusement le chemin à parcourir en termes de langages verbaux et non verbaux. Un grand chantier peut s'ouvrir : parce que la tradition se conserve en avançant et non en reculant.
Un enfant qui dit « le roi est nu » et un enfant pape qui dit « il n'y a qu'une seule forme rituelle universelle dans l'Église catholique » sont deux figures de la « parrêsia » qui libère l'Esprit à son action dans l'histoire. Ceux qui ont été trompés ne doivent pas dire : « Je me sens rejeté par le pape ». Qu’il disent plutôt, j'ai vécu dans l’illusion de pouvoir être catholique sans avoir à accepter l'évolution et la réforme de mon Église au cours des 60 dernières années, à commencer par Vatican II. C'est l'illusion dont se on doit se libérer une fois pour toutes. Un pape enfant, qui parle au bon moment, est le gardien de la Tradition plus efficace de Maximes et Souverains Pontifes.
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